La dernière sélection

Après la signature du registre, chaque participant fut dirigé vers une tente, dans laquelle des instructeurs exposaient les règles du jeu, par groupe de 100. Beaucoup furent surpris lorsqu’on leur demanda de se dessaisir de leurs armes :

– On m’a dit qu’il y aurait des combats à mort ! Mon épée est ma force, je ne peux me battre avec d’autres armes, répliqua un jeune homme à fière allure

– Il n’y aura pas de combat à l’épée, jeune homme, répondit l’instructeur

– Tant mieux ! Je suis imbattable à mains nues, s’écria un grand trapu en frappant son poing droit dans la paume de sa main gauche.

– Mais il n’y aura pas de combat du tout. Ce n’est pas une bataille !

– Ce n’est pas du tout ce qui a été promis ! J’ai fait tout ce chemin pour rien ?!

Effectivement, beaucoup de gens ont fait ce chemin pour rien ! Les rumeurs que Fibsurves a distillé dans les esprits (et qui ont été relayés dans tout le royaume) n’ont pas eu qu’un effet dissuasif. Un certain nombre de guerriers et de patriotes zélés ont apprécié l’idée de former une armée pour envahir les royaumes voisins, et s’ils ont réussi à passer à travers tous les filtres précédents, c’est par conviction guerrière. Une conviction aussi forte que celle de Naurquive, qui était là par Amour. Une conviction aussi forte que celle de Touride, qui était là pour reprendre sa place dans une vie qui, jusque-là, ne l’avait pas épargné.

Ces convictions ont su faire face à toutes les sélections naturelles préalablement décrites. Mais à présent qu’une nouvelle réalité apparaissait pour les guerriers, c’est à dire un concours sans violence où le dépassement de soi était beaucoup plus important que la comparaison avec les autres, ils se sont sentis trahis. Ce qu’ils venaient de vivre était injuste.

Le sentiment d’injustice crée un profonde démotivation

Nous sommes d’accord qu’il n’y a pas vraiment d’injustice, mais juste un sentiment provoqué par des attentes qui n’avaient pas lieu d’exister. Mais ce n’est pas la réalité qui crée la motivation ou la démotivation, c’est la perception de la réalité. Lorsque nous sommes impliqués, il n’y a aucune différence entre une injustice réelle et une injustice perçue. Sauf, bien-sûr, si nous le savons…

Mais ces guerriers ne le savaient pas ! Ils ne sont pas passés par la case Hacoc, ils n’ont pas eu de guides pour les aider à faire face au sentiment d’injustice, et ce qu’ils venaient d’apprendre eut l’effet d’un coup de massue ! Les tentes se vidèrent de plusieurs dizaines de personnes chacune…

Le test

Les instructeurs invitèrent «les survivants» à passer un test chacun dans leur tente respective. Ils précisèrent que ce test était éliminatoire et nécessitait une attention particulière les 10 premières minutes..

Naurquive et Touride se trouvaient sous la même tente avec environ 70 autres concurrents. L’instructeur posa cette question à haute voix à la première personne qui se trouvait devant lui :

 – Que représentent ces lettres ? LMMJVSD
– Je n’en ai aucune idée !
– Il s’agit des initiales des 7 jours de la semaine.

L’homme prit ses affaires et s’en alla en dandinant de la tête…

– A quelle distance d’ici se trouve le Palais de Miia (le royaume voisin) ?
– 800 km ? Répondit un homme sous forme interrogative.
– 1.001 km exactement ! C’est un nombre facile à retenir n’est-ce pas ?
– Oui, dit l’homme ! Si on veut… Mais on le sait ou on ne le sait pas !
– A présent, tout le monde ici le sait, et vous aussi.

L’homme haussa les épaules et sortit en perdant, comme le premier.

– A quel âge la princesse fit-elle sa chute d’éléphant ?
– C’était le jour de ses 12 ans, répondit Naurquive en serrant un petit mouchoir blanc dans sa poche gauche
– Précisément ! Répondit l’instructeur. Pensez à l’âge que vous aviez et à votre différence d’âge s’il y en a une.

– Quel légume peut-on utiliser pour soigner les brûlures ?
– La carotte, répondit Touride…
– Le chou ! Reprit l’instructeur. Pensez au multiples feuilles qui se chevauchent comme des peaux qui se construisent…

Touride resta en position. L’instructeur lui sourit… Visiblement, notre héros, a compris ce que les précédents «perdants» ont occulté : il avait droit à l’erreur ! Une fois de plus Touride gratifia Hacoc dans son esprit. Le droit à l’erreur fut une grande découverte pour lui et pour les autres participants du parcours «Croire». Que de révélations…

L’instructeur continua à poser des questions sur différents thèmes. Sur 10 personnes qui ne connaissaient pas la bonne réponse, 5 sortaient de la tente, pensant que l’erreur était fatale. Le maître du jeu, sans chercher à les rattraper, donnait toujours la bonne réponse à l’ensemble des joueurs , ainsi qu’un bonus qui permettait de l’ancrer en mémoire.

Après un tour complet, il s’adressa à nouveau au à Naurquive :

– Que représentent ces lettres ? LMMJVSD
– Il s’agit des initiales des 7 jours de la semaine

Un homme intervint :

– C’est injuste ! Vous avez déjà donné la réponse à cette question !
– Il ne me reste plus que des questions déjà posées, dit l’instructeur… D’ailleurs, puisque vous intervenez, je vais vous poser la suivante : à quelle distance d’ici se trouve le Palais de Miia ?
– 800 km ?
– 1.001 km !
– Oui… C’est loin quoi…
– Merci d’avoir participé à cette présélection. Votre aventure s’arrête ici.
– Mais on a droit à une erreur et je ne l’ai pas encore commise !
– L’erreur a été commise il y a moins de 10 minutes, et j’ai donné la solution.
– Je n’ai pas écouté les réponses…
– Voilà le test éliminatoire dont je vous parlais depuis le début : ne pas apprendre de vos erreurs, ne pas saisir la chance que d’autres ont saisie en votre présence. Ne pas avoir de la curiosité. Ne pas accepter les règles… Vous êtes entré sous cette tente avec l’opportunité d’augmenter vos connaissances, mais malgré tout ce qui a été mis en place pour vous y aider, vous avez préféré en rester avec vos acquis initiaux.

L’homme sortit de la tente en grommelant.

Beaucoup d’autres candidats furent éliminés lors de ce second tour. A la fin de cette présélection, environ 1.000 candidats restèrent en lice, toutes tentes confondues. Naurquive et Touride en faisaient toujours partie. Les spectateurs prirent place dans les gradins de l’arène, et Tirame annonça :

Que le spectacle commence !

 

13 réflexions au sujet de « La dernière sélection »

  1. Rester l’esprit ouvert et attentif. Se donner toutes les chances d’y arriver. Et ne rien tenir pour acquis.
    Bon la je vais dormir sur ça et voir ce que mon subconscient en sort pendant la nuit.

  2. Je crois que ma conclusion personnelle, c’est que j’ai besoin d’un shoot de confiance en moi et de faire un break avec la préparation, et avec la pression que je me mets.

    Je réalise que la semaine dernière, j’ai participé à un business dating entre professionnels que je suis surement la seule participante à avoir préparé (j’ai peaufiné une présentation de mon activité qui tienne en 30 secondes avec « les bons mots », et listé les questions que je tenais à poser ou les sujets que je voulais aborder avec chaque participant que je devais rencontrer).
    Ce qui, finalement, n’a servi à rien, car deux personnes sur les trois que je devais voir étaient absentes… j’ai donc dû improviser la plupart du temps !
    Et cette pression là était infime par rapport à celle que je me suis mise (toute seule) pour un salon où j’ai exposé et un séminaire que j’ai animé…

    Je crois que j’ai besoin de me convaincre un peu plus souvent que j’ai le droit à l’erreur… Sur la partie personnelle de ma vie, c’est un peu plus ancré, mais sur le volet pro, j’ai encore beaucoup de travail !!

  3. J’en retiens que j’ai le droit à l’erreur, et le devoir d’apprendre de mes erreurs. Et surtout que je ne dois pas me mettre hors jeu toute seule, ce que j’ai tendance à faire

  4. « … il n’y a aucune différence entre une injustice réelle et une injustice perçue, sauf si on le sait, bien sûr.  » Mais bon sang c’est bien sûr! dirait l’inspecteur Maigret
    Ah que ça me parle ! Merci Stéphane

  5. C’est bien triste de ne pouvoir retenir aucun de ceux qui sortent de la tente, leur perception d’injustice les sépare de tout. Si on les retient dans la douceur en leur montrant comment cette façon d’accueillir les évènements les enferme dans leur souffrance ils se fâchent encore plus. Ils pensent vraiment que le monde extérieur et la teneur de ses propositions a plus d’incidence en eux que leur attitude qui est en réaction.
    Et ceux qui sentent leurs attentes trahies. Impossible de les ramener. Quel dommage.

    J’en retiens que je veux toujours retenir ceux qui sortent des tentes, comme si leur rancoeur, leur manque de Foi me fait ressentir une détresse teintée de tristesse.
    Je vais prendre exemple sur les instructeurs qui ne sont pas peinés de voir ceux qui s’éliminent en accusant les autres. Je les laisserai doucement partir fâchés et amers.

    Merci pour tous ces épisodes !

  6. Un système égalitaire qui donne les mêmes chances à tous ne convient pas à tout le monde. Ça me rappelle un débat sur l’école publique, privée ou à domicile. On adhère ou pas. Ici, le but n’est pas d’amener tout le monde à la tour mais au contraire d’opérer une sélection.

  7. Apprendre de ses erreurs certes,mais surtout attention et persévérance sans se mortifier et radar personnel au l’écoute aussi du parcours de autres, proches ou non, donc de leurs erreurs !
    Pour moi avancer, persévérer,ne pas s’arrêter au premier commentaire déstabilisant !

  8. j’ai pris conscience que j’ai le droit à l’erreur et que je ne dois pas ma mettre hors jeu moi même Merçi

  9. « Mais à présent qu’une nouvelle réalité apparaissait pour les guerriers, c’est à dire un concours sans violence où le dépassement de soi était beaucoup plus important que la comparaison avec les autres, ils se sont sentis trahis. Ce qu’ils venaient de vivre était injuste. »

    Le fait de traiter de l’injustice, est un choix de coaching ?
    Il pourrait y avoir d’autres raisons, telle la déception (déçu de voir que alors que j’attends un combat, il arrive tout autre chose), ou encore la légitimité ( je ne me sens pas capable de concourir si les épreuves correspondent à des compétences que je n’ai pas, je pense que d’autres seront plus légitime que moi, alors j’abandonne), ou encore la peur de l’inconnu (qu’elle va être cette épreuve, j’ai peur d’y arriver), ou encore le et bien assaisonné de croyances limitantes.
    Pourquoi avoir choisi de traiter de l’injustice ?

  10. Je retiens cette phrase : « Le sentiment d’injustice crée un profonde démotivation ». Je sais que je dois travailler là dessus. Je trouve que le sentiment d’injustice amène la position de victime. Et quand on se sent victime, on ne se sent plus responsable, on attend que les autres réparent l’injustice et ça empêche d’avancer. Je me répète souvent « je suis responsable de ma vie » pour ne pas faire ma Caliméro car c’est une de mes fâcheuses tendances.

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